La religion et la liberté s’excluent-elles ? – Dissertation philosophique. Préparation Baccalauréat 2022 exo de philosophie corrigé.
A – LA TOILE DE FOND DE NOTRE REFLEXION : Unité et diversité du phénomène religieux en rapport à la liberté comme représentation du rapport communauté/individu et des expériences de libération spirituelle.
On peut considérer une approche anthropologique et phénoménologique qui voit un ensemble d’éléments communs à toutes les religions :
Mais on peut insister sur la nécessité de considérer différents types de religiosité en fonction précisément des représentations du sens communautaire et du sens de l’individualité. Nous faisons l’hypothèse d’une évolution des mentalités dans les différentes cultures telle que la spirale dynamique de Clare Graves, Don Beck et Christopher Cowan l’interprète :
Ceci s’applique évidemment aux cultures religieuses :
Le rapport entre liberté et religion met donc en jeu les représentations et donc les mentalités qui définissent un rapport entre communauté et individu.
On peut tenter de peaufiner cette conception en suivant le philosophe américain Ken Wilber qui intègre l’idée que la dimension spirituelle d’une mentalité religieuse touche à des dimensions de vécu commun avec celle d’une autre qui semble plus élaborée :
Sur la ligne verticale de ce schéma inspiré du philosophe américain Ken Wilber, nous avons les différents types de conceptions communautaires attachées aux différents types de religiosité. Sur la ligne horizontale nous avons le rapport entre un type de mentalité religieuse et différents niveaux de spiritualités compris ici comme perception de l’intériorité [Voir en annexe 1 le dernier tableau qui image davantage cette ligne horizontale]. Ce schéma n’exclut donc pas que certaines expériences spirituelles liées à une mentalité prémoderne par exemple peuvent être plus profondes que d’autres liées à une mentalité hypermoderne moins superstitieuse…
Cette approche nous invite donc à distinguer libération spirituelle et représentations mentales religieuses de la liberté dans le rapport entre communauté et individu.
B – ANALYSE PROBLEMATIQUE PROPREMENT DITE : On peut envisager la liberté sur 3 plans et reposer la question du rapport entre religion et liberté relativement à ces 3 plans.
Il y a à l’évidence un domaine politique de la liberté qui demande de concilier la liberté de conscience et d’expression individuelle avec les contraintes sociales nécessaire à l’établissement d’un État conférant aussi aux individus une puissance résultant du collectif sans laquelle la liberté individuelle resterait impuissante. Comment valoriser la solidarité républicaine tout en promouvant les libertés individuelles y compris religieuses ? Comment éviter l’éclatement de l’État républicain à cause d’un affrontement des communautarismes religieux et ethniques ? Comment ne pas sacraliser le républicanisme au point de mépriser les garanties libérales de la liberté individuelles ? Faire une religion républicaine qui aurait l’exclusivité du politique ne saurait convaincre de l’inopportunité du communautarisme religieux à prétention théocratique plus ou moins avouée. La religion est ici essentiellement ce que des latins comme Augustin considère comme son origine étymologique à savoir « religare » (re-lier). Autrement dit la religion est ici à la fois d’une part lien communautaire prescrivant sacrifice et dénonçant sacrilège et d’autre part elle est lien personnel et intime au divin ou du moins à une représentation du divin.
Il y a un domaine moral où se joue la liberté. Agit-on par penchant psychologique pulsionnel ? Si tout acte se réduisait à des penchants le causant, toute conception de la responsabilité morale serait sans aucun doute obsolète. Toute religion propose de briser le cercle de l’action et de sa justification par les préférences immédiates des penchants. Agit-on par contrainte sociologique plus ou moins intériorisée ? Ou agit-on en suivant une réflexion rationnelle caractéristique d’un arbitre libre et donc autonome ? L’hétéronomie n’est-elle pas le fait essentiel des religions ? L’infantilisation religieuse de nos comportements est-elle la norme ? Ou bien n’est-elle le fait que des niveaux de mentalités prémodernes de la vie religieuse ? La religion comme respect scrupuleux d’un corps de pratiques et de rituels croise le sens de « religere » en latin que Cicéron affirme être l’étymologie véritable du mot religion.
Enfin il y a un domaine spirituel qui met en jeu la libération de notre misère existentielle. Ceci ressort au domaine de la liberté au sens métaphysique. Car aurait-on une perfection morale et politique, nous resterions confrontés aux questions de la mort et si l’on reculait les frontières de la mort ce serait la question du sens de la vie et donc de la manière de vivre qu’il faudrait reposer. D’ailleurs concernant l’amour et le bonheur, la morale n’a que ses exigences à rappeler et ses devoirs d’espérance à réitérer et non des clés précises d’obtention à suggérer. La politique et la morale peuvent créer des conditions matérielles et sociales favorables à l’amour et au bonheur mais non les susciter comme vécu personnel. L’enjeu est de savoir si les religions dans la situation présente permettent de surmonter la misère existentielle par affaiblissement de la vitalité, ce que Nietzsche a pointé comme l’aboutissement nihiliste de nos civilisations ou si elles offrent encore des potentialités d’assumer nos insatisfactions existentielles en vivifiant nos existences et nos cultures. Ici il faudrait penser la religion dans le droit fil du linguiste Emile Benveniste qui assigne à la religion l’étymologie de « religere » mais au sens de recueillement extérieur et intérieur.
2) Plan (très) détaillé des 2 premières parties :
I – Faiblesses du cheminement spirituel individualiste face aux forces religieuses communautaristes.
A – Toute religion promet de se libérer des difficultés spirituelles posées par la mort, le sens de la vie et la quête du bonheur.
Elle peut proposer des techniques spirituelles de recueillement (religere) pour expérimenter intérieurement des réponses vécues. La méditation inspirée des pratiques bouddhistes, le yoga emprunté aux enseignements hindous, le qi gong issu du taoïsme connaissent un succès grandissant dans les populations postmodernes. Mais ces gens appartiennent-ils à une religion ? Ils font un usage respectueux de spiritualités religieuses mais appartiennent-ils vraiment à une religion ? Ne créent-ils pas leur propre religiosité ? Si une synthèse rationnelle est possible, leur liberté et leur religiosité se « synergiseront » sans doute.
Avant de moquer à l’emporte-pièce cette démarche comme irrationnelle et d’émettre des doutes et des critiques légitimes, notons qu’elle prolonge dans les mentalités postmodernes la démarche moderne des lumières consistant à extraire des religions dogmatiques, superstitieuses et intolérantes une spiritualité déiste tolérante, rationnelle et ouverte aux critiques et aux doutes. Les lumières ont légitimement opposé aux religions prémodernes une théologie naturelle et rationnelle auto-suffisante. Reconnaissons que ces démarches purificatrices modernes ont produit l’humanisme des droits de l’homme édictés sous les auspices de l’être suprême.
Donc rien n’interdit de voir dans ces tentatives postmodernes de libération spirituelle une prolongation de la démarche moderne de rationaliser et de séculariser les spiritualités religieuses judéo-chrétiennes engoncées et souvent étouffées dans leurs dogmes intolérants et superstitieux.
B – Les faiblesses du cheminement spirituel individualiste.
i) Si leurs penchants l’emportent, leurs cheminements n’aboutissent qu’à du syncrétisme, leur religiosité ne sera qu’une élaboration de leur désir prérationnel.
À Romain Rolland qui jugeait la critique athée de Freud un peu expéditive, du fait de son ignorance des expériences de sentiment océanique, Freud rétorqua en nourrissant un soupçon nouveau contre toute forme de religiosité : elle chercherait à satisfaire une nostalgie de l’état fusionnel psychique fœtale. En effet le fœtus a une vie psychique pré-égotique et irrationnelle en parfaite fusion avec son environnement maternel. Cette harmonie avec l’univers sera donc obtenue par des pratiques extatiques visant à affaiblir le sens de la séparation entre soi, les autres et le monde caractéristique de l’ego et de la rationalité sujet-objet.
À vrai dire toutes les méthodes spirituelles de relaxation ne sont-elles pas fondées sur l’abolition momentanée des frontières psychocorporelles de notre individualité ?
Paradoxe de la postmodernité, l’individualisation la plus radicale de la spiritualité religieuse dont la démarche semble la plus contraire à tout communautarisme aboutit à chercher la dissolution la plus exacerbée de notre personnalité.
Le succès du néo-chamanisme s’explique assez bien de ce point de vue. En effet le pratiquant néo-chamane use des rythmes musicaux proches du rythme cardiaque, de rythmes respiratoires proches de ceux du bébé, de drogues hallucinogènes ou du milieu chaud et humide d’une tente de sudation, toutes conditions évoquant l’État fœtal et favorisant l’infantilisation.
ii) [Transition critique :] Certes même un délire spirituel syncrétique consacrera incontestablement une liberté individuelle de conscience et d’expression sans précédent. Mais que vaut une telle démarche si elle est impuissante faute de sens communautaire à résister à la montée de communautés religieuses solides et attirantes parce que bien délimitées par des clôtures dogmatiques et capables de revendiquer une tradition spirituelle éprouvée et balisées ?
II – Mais le traditionalisme religieux ne se fondent-ils pas sur la démission de toute autonomie réflexive et de tout sens de son autorité personnelle ?
A- La foi religieuse ne plonge-t-elle pas ses racines dans un geste irrationnel de confiance irréfléchi ?
Souvent les démarches religieuses traditionnelles proposent prosaïquement de se relier (religare) au divin par la foi pour espérer malgré tout. La mort, l’absurdité apparente de la vie humaine et l’aspiration à l’amour et au bonheur sont d’abord surmontées par un acte de foi qui trouve certainement sa source dans les mentalités premières de communautés dont la survie n’était pas assurée. Cette méthode de fixation de la confiance existentielle procède par ténacité aveugle comme une autruche tête dans le sable qui refuse de voir tout ce qui la menace. Elle a le mérite de ne pas succomber aux sirènes de la dépression dont nos contemporains agnostiques sont plus souvent victimes que les membres de communautés religieuses traditionnelles.
B- Cependant cet avantage antidépresseur de la foi ouvre la porte à de nombreux inconvénients antiphilosophiques.[/fond vert clair]
La religion suscite alors en effet une perte d’autonomie réflexive qu’elle compense en s’appuyant sur l’autorité d’une tradition. Pour fixer la croyance en l’autorité de la tradition, il faut la sacraliser.
i) Premièrement il faut se comporter scrupuleusement dans l’effectuation de rites ou de pratiques la réactualisant (religere) quitte à craindre une damnation éternelle. Paradoxe, il faut pour nourrir la confiance existentielle et se libérer de l’angoisse de vivre et de mourir développer la crainte de ne pas se racheter ou de sauver son âme. La confiance existentielle religieuse se nourrit de récits miraculeux ou mythologiques mêlant les rachats miraculeux avec des damnations terrifiantes. La cohérence des traditions religieuses est donc forte et comporte une connaissance indéniable de la puissance symbolique. Mais renforcer l’autorité de la tradition par le développement interprétatif de la cohérence des symboles ignore comment la méthode scientifique donne d’abord autorité à des faits objectifs pour tester les théories.
ii) Deuxièmement il faut assimiler tout questionnement à des doutes profanant l’autorité sainte fondant la tradition. La libre pensée et le sens de sa propre autorité personnelle deviennent alors sacrilèges. Ce sont des refus de sacrifier sa petite personne au salut religieux de la communauté. C’est une trahison de la puissance de notre identité religieuse collective (religare).
C- [Transition critique] Ainsi le traditionalisme religieux pour conforter l’autorité de sa tradition voit un danger dans toute tentative de forger le sens personnel de sa propre autorité par l’usage d’une autonomie réflexive. Les religions traditionnelles s’opposent donc à première vue à des spiritualités philosophiques centrées sur l’émancipation de la réflexion personnelle. La critique anarchiste des religions traditionalistes y voit des pourvoyeurs de la logique de domination hiérarchique antidémocratique. Mais une politique valorisant l’émancipation des logiques hiérarchiques de domination à marche forcée imposant l’athéisme par la force ne reconduit-elle pas au dogmatisme intolérant des idéologies religieuses ? Historiquement il nous faut reconnaître que les persécutions les plus meurtrières en matière de croyance émanent des idéologies communistes. Les persécutions religieuses ou les actes terroristes motivés par la religion auront fait des victimes et des guerres certes nombreuses et questionnaires sur l’opportunité d’adhérer à des traditionalismes religieux mais les assassinats massifs opérés au nom de l’émancipation athée sont tout aussi questionnaires et malheureusement plus nombreuses.
3) Troisième partie rédigée :
III – Avec la laïcité républicaine nous pensons que la liberté personnelle et collective comme solidarité non communautariste n’exclut pas la liberté de croyance (ou d’incroyance) religieuse. La laïcité républicaine est une communauté citoyenne ouverte au pluralisme qui peut renforcer réciproquement la liberté de croyance (incroyance) religieuse, l’authenticité spirituelle et l’autonomie réflexive philosophique.
A- Le républicanisme laïque ne vise pas à créer une religion civile mais une solidarité fondée non sur la sacralisation d’une uniformisation identitaire mais sur l’émancipation pluraliste du dogmatisme idéologique, traditionaliste et communautariste. Ici nous estimons que la nostalgie d’une sacralité républicaine comme la pense Régis Debray revient à faire de la laïcité une religion civile à laquelle les religieux traditionalistes doivent adhérer.
On peut apprécier ce rapport de force qui vise à sanctuariser l’espace public en le sacralisant. Mais on peut en un sens sanctuariser l’espace public en imposant dans son champ le respect de l’égalité homme-femme et donc de la mixité citoyenne. On peut sanctuariser la neutralité laïque en interdisant aux mineurs en position d’hétéronomie vis-à-vis de leur famille et de leur communauté d’arborer tout signe religieux marquant leur appartenance.
B- Toutefois on doit reconnaître que cette sanctuarisation objet de passions politiques revient à stigmatiser plus certaines appartenances religieuses que d’autres. La laïcité est aujourd’hui souvent victime d’une annexion à des causes politiques identitaires dommageables. Grosso modo on invoque la laïcité pour stigmatiser des options religieuses qu’on juge une menace pour la stabilité d’une identité nationale ancestrale. On confond la lutte légitime contre les replis identitaires et religieux qui menacent la cohésion de la solidarité nationale avec la crispation sur une identité nationale elle-même dogmatique, mythologique, intolérante et ego-centrique.
C- Rappelons que la laïcité entend au sens authentique participer de mœurs favorables à la liberté de conscience et d’expression. La laïcité se réclame de l’humanisme des Lumières qui a produit les droits de l’homme dont liberté de conscience et d’expression sont des principes centraux. De fait elle implique une dimension de neutralité au sens d’une tolérance vis-à-vis des croyances dès lors qu’elles sont capables de vertu de tolérance. Mais cette neutralité n’est pas inopérante et sans valeur. La laïcité assure à chaque individu la possibilité de prendre ses distances avec une communauté de croyances dans laquelle pourtant il a pu être immergé jusqu’à penser que toute autre croyance était illusoire même s’il s’efforçait de demeurer tolérant. Cette distanciation ne sera pas forcément en rupture avec sa croyance passée ou conversion à une autre croyance mais la laïcité comme espace de neutralité solidaire et républicain permet de réinterpréter librement sa croyance. La laïcité si elle impose son espace de neutralité à tout engagement religieux ou spirituel leur donne une dimension d’autonomie et de libre choix. La présence de la république laïque dans chacun de ses territoires préservera au moins cette dimension même au cœur de croyances qu’on peut juger infantilisantes, superstitieuses, dogmatiques, irrationnelles ou communautaristes même si pour apparaître républicano-compatibles elles jouent le jeu de la tolérance. Des événements de conversion ou des critiques internes sous la pression de critiques externes légitimes amèneront certainement des évolutions de plus en plus favorables à la liberté de conscience et d’expression. L’espace laïque permet aussi un espace de réflexion et de dialogue argumenté où l’affirmation pure et simple de ses convictions rencontre inexorablement les exigences de l’argumentation rationnelle.
D- Nous devons cependant insister sur le fait que la liberté de conscience est la garante d’un engagement religieux plus profond. La crainte des flammes de l’enfer si commune aux religions traditionalistes pour les mécréants produit des êtres peu capables de spiritualité profonde. Quand je suis une morale par crainte de l’enfer et désir d’une récompense paradisiaque, j’agis encore de manière intéressée. Cette religion traditionaliste limitée à cette approche s’avère un marchandage avec le divin digne de ces temps où l’on sacrifiait des êtres vivants ou des êtres humains pour calmer les dieux irritables et menaçants. Ceux qui trouvent ce portrait caricatural considéreront les dérives terroristes de religieux traditionalistes où on sacrifie des vies humaines de mécréant au profit d’un dieu sanguinaire et guerrier.
Lorsqu’avec la conception libérale de la laïcité, telle que Locke l’esquisse et que Bayle l’élargit, on envisage l’espace publique comme un espace d’émulation au service désintéressé des autres, chaque spiritualité religieuse ou philosophique est mise au défi d’être un authentique chemin d’ascension vers le sommet commun de l’amour pur et désintéressé des autres. Autrement dit ma communauté spirituelle exclusive est une affaire privée pas forcément portée à l’exclusion mais qui doit faire idéalement de moi un citoyen vertueux et solidaire matériellement avec tous les citoyens de quelque appartenance religieuse et philosophique qu’ils soient.
E- La laïcité républicaine n’est pas seulement un espace de neutralité protégeant le libre choix des consciences comme Jean Jaurès le rappelle mais aussi un espace spirituel d’émancipation et de formation du sens d’être sa propre autorité. Ici l’éducation aux formes diverses de la rationalité, aux méthodes scientifiques, aux arts de l’interprétation des sciences humaines ou encore au fond culturel humaniste est loin d’être neutre. Certes le citoyen a la liberté de conscience et on ne peut pas lui imposer par la contrainte d’adhérer à l’évolution des espèces, à la critique philosophique et sociologique des hiérarchies traditionalistes contraires à l’esprit démocratique. Mais notre laïcité impose d’étudier ces points de vue à l’école, d’en voir et d’en tester les tenants et aboutissants…
F- De ce point de vue, les neurosciences et la psychologie validant les apports bénéfiques de la méditation de pleine conscience telle qu’elle a été extraite de son contexte religieux bouddhistes, ne devra-t-on pas non plus introduire ce type de technique dont il a été montré qu’elle ne dépersonnalise pas en émondant le sens de la séparation entre soi, les autres et le monde mais qu’au contraire elle donne à ses pratiquants une meilleure attention et concentration utiles dans les apprentissages ainsi qu’une meilleure gestion du stress facilitant le développement de ses capacités personnelles. Notre conception de la laïcité veut éviter un combat moderne simpliste contre l’obscurantisme des traditionalismes religieux au risque d’en ignorer les apports spirituels parfois inemployés. Mais elle veut aussi éviter de se promouvoir comme ouverture postmoderne au pluralisme des croyances religieuses, spirituelles et philosophiques en renonçant à l’émancipation de l’hétéronomie communautariste. Notre conception veut devenir une plateforme hypermoderne de la constitution d’une science spirituelle dont les religions auront été seulement précurseur… Elle veut arracher l’or spirituel des grands fleuves des traditionalismes religieux que les crispations identitaires face à la modernité précipitent dans l’oubli au lieu de les faire briller pour toute l’humanité. Elle veut non pas une coexistence pacifique des cultures spirituelles, religieuses et philosophiques mais elle veut contribuer à favoriser de nouvelles synthèses spirituelles comme dans le passé le judaïsme procède certainement d’une synthèse incluant et dépassant des apports du zoroastrisme avec des éléments de spiritualité égyptienne. Comme la théologie chrétienne dès son émergence dans le Nouveau Testament intègre des éléments des spiritualités philosophiques grecques. Comme l’ésotérisme soufi musulman s’avère lui-même une synthèse spirituelle des éléments coraniques hérités du judéo-christianisme, de techniques spirituelles néoplatoniciennes de l’école de Bagdad fondée après que l’empereur chrétien ait fermé les écoles néoplatoniciennes de son empire et enfin certainement d’éléments venus du tantrisme hindou ou bouddhiste comme les centres psychocorporels al-Laṭaʾif as-Sitta que le yoga tantrique nomme chakras. D’ailleurs l’affirmation historique d’une unité transcendante des religions à partir de leurs spiritualités a émergé du IXe au XIIe siècle dans les milieux soufis musulmans